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La mort subite du nourrisson est la première cause de mortalité chez les bébés de moins d'un an. De nombreuses dispositions ont été mises en place et ont permis de faire baisser la mortalité des nourrissons. Coucher le bébé sur le dos, dans une chambre fraîche (18/20°C), sans couverture, etc. Autant de préconisations qui préviennent les risques de mort subite du nourrisson.

Première cause de décès avant 1 an

La mort subite du nourrisson (MSN) est la première cause de décès entre 1 mois et 1 an. Selon l'Institut de veille sanitaire (chiffres de 2010), 90 % des cas de mort subite du nourrisson ont lieu avant l'âge de 6 mois et l'âge le plus exposé est entre 2 et 4 mois. Par ailleurs, la 2° cause de mortalité infantile a lieu entre 1 an et 14 ans, en particulier par accident (1/3 des cas), par tumeurs ou par maladies congénitales. Cette mortalité infantile est en baisse importante depuis 1975 et surtout 1990.

La théorie de l'apnée primitive pendant le sommeil (le pédiatre américain Steinschneider pensait que certains nourrissons "oubliaient" de respirer pendant le sommeil) en vogue dans les années 80 est actuellement abandonnée.

Le couchage des bébés sur le dos sans couette ni oreiller, à température modérée (18°-19°C), la limitation du tabagisme passif, le fait de moins couvrir le bébé et autres mesures préventives ont permis des progrès inespérés.

Cependant, après une diminution légère mais constante entre les années 2000 et 2013, une légère augmentation des morts subites du nourrisson est constatée. En cause, le "co-dodo" et le fait de faire dormir le bébé sur le ventre d'un adulte. Aujourd'hui, on estime qu'environ 250 morts subites du nourrisson ont lieu chaque année en France et cela malgré les nombreuses campagnes de prévention.

On distingue deux entités différentes :

  • La mort subite du nourrisson (MSN) qui est le décès brutal et inattendu d'un bébé considéré jusque-là comme parfaitement bien portant mais chez qui une ou plusieurs causes sont retrouvées avec plus ou moins de probabilité et qui présentait des signes qui auraient pu inquiéter au préalable ;
  • La mort subite inexpliquée du nourrisson (MSIN) qui est le décès brutal d'un nourrisson qui survient de façon inattendue compte tenu des antécédents et pour lequel des examens complets post-mortem ne peuvent révéler de cause précise à la mort.

Des milliers de recherches sont effectuées dans le monde afin de répondre à cette énigme médicale.

La mort subite du nourrisson

On distingue deux tableaux cliniques bien différents.

  • Dans le premier, l'enfant est mort ;
  • Dans le second, il est "ressuscité".

C'est le "crib-death" des Anglo-saxons :

Le plus souvent, il s'agit d'un nourrisson âgé de 2 à 4 mois retrouvé dans son berceau au domicile des parents. Dans l'affolement, les parents font appel aux secours, essayent parfois de réaliser des gestes de sauvetage (bouche-à-bouche, massage cardiaque). Les circonstances peuvent être différentes. Le décès peut survenir en voiture, au cours d'une promenade en landau, à la crèche, chez la nourrice, chez des amis...

Le nourrisson "récupéré" :

C'est le "near miss" des Anglo-saxons. La mère ou la nourrice affolée rapporte qu'elle a trouvé l'enfant immobile dans son berceau, bleu, ou pâle, inerte et ne respirant plus.

Un bouche à bouche ou un massage cardiaque ont été pratiqués. La respiration spontanée a repris et le nourrisson arrive à l'hôpital un peu prostré mais rose. L'examen clinique est normal.

Les hypothèses soulevées par le médecin à ce moment sont :

  • Une fausse route alimentaire (l'enfant s'est étouffé en vomissant) ;
  • Un équivalent convulsif (c'est-à-dire une convulsion) ;
  • L'affolement d'une famille inexpérimentée...

Plusieurs examens complémentaires sont effectués et s'avèrent normaux (constantes biologiques, ponction lombaire etc...) et l'enfant est rendu à sa famille après quelques jours.

Causes et facteurs de risque de la MSN

On retrouve souvent plusieurs causes intriquées chez un même nourrisson.

Les infections sont une des causes majeures.

Les arguments observés sont l'existence d'un rhume les jours précédents, d'un contexte épidémique hivernal (grippe, bronchiolites virales...), d'une hyperthermie (fièvre). Les virus sont retrouvés dans les poumons (virus respiratoire syncitial VRS, influenza, para-influenza, adénovirus, rhinovirus etc.).

Plusieurs mécanismes peuvent dans ce contexte expliquer le décès :

  • Apnée centrale, apnée obstructive, œdème aigu du poumon, myocardite, méningite, encéphalite...
  • Le reflux gastro-œsophagien est actuellement reconnu comme cause probable du décès ou comme facteur favorisant associé à d'autres causes dans 60 à 75% des cas.

Le reflux gastro-oesophagien est une pathologie banale chez le nourrisson. Il doit toutefois inquiéter lorsqu'il est mal toléré.

Quels sont les signes d'une mauvaise tolérance ?

La survenue de malaises avec pâleur ou cyanose, hypotonie brutale chez un bébé éveillé, après le repas, ou lors des changements de position ;

  • Des régurgitations fréquentes, faciles, abondantes, après le repas ou pendant le sommeil ;
  • Des signes d'oesophagite : pleurs pendant les biberons, crises douloureuses, traces de sang dans les régurgitations ;
  • Infections ORL ou respiratoires à répétition ;
  • Perte d'appétit, somnolence, irritabilité ;
  • Ancien prématuré etc...

Les mécanismes invoqués pour expliquer la mort sont divers :

Fausse route massive et asphyxiante lors d'un RGO :

Déclenchement d'un réflexe vagal provoquant une bradycardie ou une apnée du fait de la douleur d'une oesophagite peptique, la distension du bas oesophage ou un laryngospasme par stimulation des récepteurs laryngés. Le mécanisme de l'arrêt respiratoire serait un laryngospasme ou une apnée centrale réflexe consécutifs à une régurgitation même minime.

Dans le cas de reflux prouvé par mesure du pH œsophagien, un traitement postural doit être prescrit 24 heures sur 24. Une bonne diététique évitant la suralimentation, l'épaississement des repas, l'adjonction de certains produits (Prépulsid, Vogalène... ) sont très utiles. Dans certains cas, un acte chirurgical s'avère nécessaire. C'est dire l'importance de la pH métrie ou de la fibroscopie devant toute apnée ou cyanose inexpliquées chez un nourrisson.

L'examen clinique du nourrisson décédé doit être minutieux : prise de la température, palpation de l'abdomen, examen de la bouche, du larynx, de la perméabilité des voies aériennes supérieures, présence de sueurs, recherche de signes de déshydratation, d'éruption, de purpura etc...

Les examens complémentaires sont pratiqués : prélèvements bactériologiques et virologiques des sécrétions pharyngées et trachéales, hémocultures, NFS, étude du LCR, ponction sus-pubienne pour analyse des urines, radiographies du squelette, du crâne, du thorax etc.

En cas de MSN d'un jumeau, le jumeau survivant doit être hospitalisé pour être surveillé. Il faut en effet éliminer une infection et une pathologie sous-jacente (hyper-réflectivité vagale, RGO...).

L'accueil des parents à l'hôpital doit être un souci primordial en vue de les déculpabiliser et de les informer, voire de les orienter vers une prise en charge psychologique. La mort subite du nourrisson est un drame non seulement par les parents mais aussi pour les autres membres de la famille. Médecins, psychologues, entourage social peuvent les aider à assumer leur deuil.

Les enfants plus âgés sont bien entendus très perturbés par la mort du nourrisson. Des troubles psychologiques sont fréquents (angoisse, troubles du sommeil, troubles du comportement relationnel et alimentaire). Il est nécessaire en présence des parents de leur expliquer la réalité de l'événement.

Les parents posent souvent la question d'une grossesse suivante. Existe-t-il une transmission héréditaire du risque de MSN ? Faut-il pratiquer des examens de dépistage chez le nouveau-né ? Quelle prévention et quelle surveillance proposer ?

Dans 90% des cas, le risque de récidive d'une MSN dans une famille est égal ou inférieur à celui de la population générale.

La conduite à tenir vis-à-vis de l'enfant suivant dépend des causes de la MSN et du risque plus ou moins important de récurrence qu'elles entraînent.

Dans moins de 10% des cas, le risque que l'enfant suivant soit victime d'une MSN est significativement augmenté :

Transmission d'une maladie génétique, maladie neuromusculaire, malformations, maladies métaboliques ;

Cas familiaux de RGO (intérêt de la pH-métrie des 24 heures et du traitement antireflux) et d'hyper-réflectivité vagale (enregistrement ECG type Holter avec étude du réflexe oculocardiaque et ECG à la recherche d'un élargissement de l'espace QT) ;

Conditions socio-économiques et psychiatriques très précaires (négligences parentales) nécessitant l'instauration d'un accompagnement médicopsychosocial. Une enquête réalisée pour Sciences et Avenir (décembre 1999) a mis en avant le syndrome de Munchausen par procuration pour expliquer un certain nombre de MSN.

Prévention de la mort subite du nourrisson

La prévention de la mort subite est le but de la création des "Centres de référence" qui travaillent et analysent tous les dossiers de MSN.

Reconnaître les signes prémonitoires éventuels

L'analyse rétrospective des dossiers de MSN permet de retrouver dans un grand nombre de cas des "signes prémonitoires" de la mort subite.

Ces symptômes doivent être reconnus chez les nourrissons qui deviennent par conséquent "à risque" de mort subite.

En effet, dans 50 à 75% des cas, la MSN est précédée de signes témoignant d'une pathologie sous-jacente :

  • Les "sinister symptoms" de Valman : signes respiratoires d'apparition brutale, perte d'appétit, somnolence, irritabilité ;
  • Signes prouvant la mauvaise tolérance d'un RGO : rejets alimentaires nombreux obligeant à changer les draps plusieurs fois par jour, rejets douloureux et tardifs après les repas ou pendant le sommeil, rejets teintés de sang.
  • Les signes ORL et pulmonaires sont particulièrement importants : rhinite chronique depuis la naissance, stridor, encombrement permanent, toux nocturne, broncho-pneumopathies sans fièvre et à répétition etc ;
  • Malaises : arrêt brutal de l'activité du nourrisson, brusque arrêt de ses mouvements, fixité du regard, changement de coloration (pâleur ou cyanose) crispations faisant évoquer des "coliques"... Ces symptômes évoquent entre autre un RGO avec oesophagite ou hypertonie vagale ;
  • Signes témoignant d'une dysautonomie neurovégétative : troubles de la régulation thermique, accès de sueurs profuses, changement de coloration pendant le sommeil...

Ces différentes situations doivent conduire le médecin à prescrire les examens nécessaires.

Il faut toutefois savoir que dans 30% des cas, la mort subite du nourrisson survient sans aucun signe prémonitoire rendant illusoire dans ces cas le dépistage du risque de MSN.

La prévention de la MSN en dehors de tout signe prémonitoire

La lutte contre la prématurité et la dysmaturité, le traitement des rhino-pharyngites du nourrisson sont déjà des éléments de la prévention de la MSN.

Il faut insister sur les dangers d'une mauvaise literie :

  • Couffins aux montants peu rigides multipliant les risques de chute avec traumatisme et risquant de se refermer sur l'enfant, matelas mou et oreillers pouvant gêner la motilité et la respiration du bébé, couettes, tours de lit matelassés et couvertures trop épaisses favorisant le risque d'enfouissement.
  • Un environnement trop chaud est dangereux : vêtements trop épais enveloppant entièrement le corps, ambiance surchauffée trop sèche. Le risque d'hyperthermie majeure est important surtout si le nourrisson se trouve en phase d'invasion de maladie virale.

La position du sommeil de l'enfant est l'objet de multiples controverses. Pendant des siècles, les bébés en Europe étaient couchés sur le dos. L'habitude anglo-saxonne de les coucher sur le ventre a été introduite en Europe dans les années 1970 pour diminuer le risque de mort subite. En 1990, la volte-face est nette. L'Australie, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis préconisent de coucher les bébés sur le dos et cette position est également conseillée en France.

La position ventrale était justifiée par la prévention du RGO, par une meilleure ventilation et par l'amélioration de la perméabilité des voies aériennes en évitant le danger de l'hyperflexion de la colonne vertébrale lorsque l'enfant couché sur le dos repose sa tête sur un oreiller. Coucher le bébé sur le ventre évite la chute en arrière de la mâchoire et de la langue et empêche l'inhalation d'aliments régurgités.

Ce n'est cependant pas un moyen de prévention de la MSN. En effet, il est démontré que l'incidence de la MSN a augmenté de façon spectaculaire au cours des vingt dernières années dans un certain nombre de pays qui ont conseillé de coucher les bébés sur le ventre. Plusieurs études dans différents pays (Australie, Nouvelle-Zélande, Grande-Bretagne, Pays-Bas, France de 1986 à 1992, puis Etats-Unis en 2014) ont montré les dangers potentiels de la position ventrale : risques d'hyperthermie majeure (environnement trop chaud, excès d'habillage ou de couvertures, infection débutante) car c'est la tête qui joue un rôle fondamental dans l'évacuation de la chaleur et dans la thermorégulation. La position ventrale fait courir le risque d'asphyxie sous des couvertures ou par l'intermédiaire d'un matelas trop mou. Des risques d'intoxication par des produits chimiques dégagés par certains matelas recouverts de matière plastique ont été signalés. Les derniers risques signalés sont le "co-dodo" et laisser le bébé dormir sur le ventre sur un adulte, habitudes récentes adoptés par certains parents.

Tous ces arguments font recommander un plan de couchage ferme, des couvertures légères que l'enfant peut écarter, des vêtements de nuit adaptés ("surpyjamas"). Il faut déconseiller l'utilisation d'oreiller, de couette ou de duvet, les couffins aux montants non rigides. Il faut ne rien mettre autour du cou du bébé (chaîne, tétine...).

Le matelas ne doit pas laisser d'espace libre avec les bords du lit.

Une température ambiante autour de 20°C avec un humidificateur d'air sont conseillés.